Biographie

 

« Un jour le grand éditeur et érotomane Jean-Jacques Pauvert m’a dit : «  il n’y a pas de romans historiques, policiers ou érotiques, il y a des bons et des mauvais romans ».

Cette phrase ne m’a jamais quitté. Ni quand j’écrivais des romans à l’encre rouge – sous pseudonyme- ni quand je suis passé naturellement à l’encre noire, celle de Kundera qui fut mon maître à la Sorbonne, plus certainement celle de Simenon, d’Agatha Christie, de Patricia Highsmith ou de Conan Doyle.

Je l’ai dit, j’ai commencé par écrire mes premiers romans à l’encre écarlate. Tisser des caresses, des soupirs et des murmures était un premier cheminement assez émoustillant. En effet, rien de plus difficile que de ciseler de la sensualité sans tomber dans la banalité, le vulgaire ou le ridicule. Beaucoup d’auteurs s’y sont risqués, presque tous les grands en fait, certains avec un grand bonheur (Duras, Colette, Aragon, Maupassant, Anaïs Nin, Joe Bousquet …) d’autres en ont fait un plaisant marivaudage (Apollinaire, Diderot…), les derniers s’y sont un peu perdus (Tolstoï, Miller et même Baudelaire à mon avis). Car l’orfevrerie érotique est de loin la plus difficile avec l’écriture pour enfants : elle ne supporte pas la moindre complaisance ni la moindre médiocrité au niveau du style.

J’ai envoyé mon premier manuscrit sous pseudonyme à sept éditeurs parisiens (pas un de plus pas un de moins), sans grande conviction. Et j’ai été assez stupéfait de recevoir trois réponses positives dans les 15 jours. J’ai choisi le premier éditeur, un grand nom de la littérature de gare, qui a fait de mon roman un best-seller du genre, réédité 3 fois. Mais le second opus a été totalement « torpillé «  d’un point de vue éditorial et je me suis ainsi fâché avec mon mentor, me promettant de ne jamais plus éditer parce que…

Ne plus éditer ne veut pas dire cesser d’écrire : tout au contraire.

L’aventure a recommencé avec un roman feuilleton très noir paru dans un magazine gothique. « Morts Sûres » (éditions Juste Pour Lire) était un récit très noir, dans le plus pur style d’Edgar Poe, Stevenson ou Conan Doyle.

Je me suis amusé à y nouer tous les grands thèmes de la littérature noire du XIXe siècle : vampire, vaudou, momie, secte démoniaque, savant fou, éventreur … Et tout cela dans l’ambiance du Père Lachaise dont je suis vite devenu un familier acharné. Le texte était un joyeux méli-mélo dont le style, très baroque n’était pas fameux, j’en conviens mais quelle jubilation ! Les lecteurs du magazine étaient vite devenus accro et une compilation s’imposa d’elle-même. Et une bande originale de livre fut même composée pour l’occasion.

Morts Sûres (Polar/Thriller) par [Benoit Chavaneau, Hana Myo Shin, Lawrence Rasson]

Ne jamais refaire deux fois le même ouvrage…

Du coup, par la suite j’ai essayé de composer un roman d’Amours, Les Fileuses de Brumes (éditions Juste Pour Lire) , dont le thème ( des personnages qui tentent d’échapper à la volonté de leur auteur ) était sans doute trop difficile pour ma plume. Certains, surtout des femmes, ont adoré cette ambiance à la Pirandello, dans le cadre romantique de Bruges. Mais beaucoup, trop, ont été déconcertés par cette histoire complexe et sans doute trop esthétisée. N’est pas Kundera qui veut …

Du coup, il fallait que je travaille plus, que je travaille mieux, que je remette cent fois sur le métier mon ouvrage …

« L’œuvre au rouge » m’a occupé pendant sept ans. Il s’agissait d’écrire une histoire où l’encre rouge, peu à peu, deviendrait noire. Mille fois j’ai abandonné ce texte, mille fois je l’ai repris. Encore et encore. Supprimant des dizaines de pages, en ajoutant çà et là, une ou deux qui manquaient, rectifiant sans cesse l’équilibre de l’édifice. Ce roman contient quelques passages qui sont les plus beaux que j’aie jamais écrits, du moins ceux dont je suis le plus fier. Mais quelques passages même très bien tissés ne font pas nécessairement un « bon roman » comme le sous-entendait Pauvert.

L'oeuvre au rouge

 

Une année que j’étais hospitalisé pour une assez longue période , pendant les fêtes de fin d’année, ma fille cadette, Ondine, est venue me visiter dans ma chambre :

«Tu sais, ma puce , cette année , je vais avoir du mal à aider le Père Noël … je ne sais pas comment je vais pouvoir te gâter .

«Tu n’as qu’à m’écrire une belle histoire » , a-t-elle répondu .

Quel défi pour un écriveur ! Mais je me suis pris au jeu.  Et c’est ainsi que sont nées Prune et Millicent : une jeunebrunette courageuse, au caractère bien trempé, et sa jeune marraine fée dont les cheveux changent de couleur au gré de ses émotions.  Je voulais composer un vrai conte de fées , dans la tradition des grandes histoires de Perrault ou Mme le prince de Beaumont , tout en ayant une narration résolument moderne , faire réfléchir tout en faisant rêver .
Dans cette aventure, j’ai été accompagné par Sylvia Baldeva, une merveilleuse aquarelliste qui a su donner des couleurs féériques à ma rêverie .

Et Ondine a découvert Fées Exprès, dans une simple enveloppe de papier kraft, le 25 décembre 2011.

Un jour , tandis que je faisais la sieste à Bruges, une photo que m’avait remise une amie , celle d’une femme nue, recroquevillée au pied d’un grand arbre, en hiver , est venue me hanter. Me réveillant brutalement (j’ai cette chance ou cette malédiction de me souvenir de mes rêves) , j’ai aussitôt eu le réflexe de noter ce rêve tout à fait ahurissant . Et puis une fois rentré à Paris, je n’ai eu cesse de l’écrire en respectant scrupuleusement le déroulement onirique de cette histoire : « une femme qui court essoufflée dans les collines de Flandres. Elle finit par arriver près d’une grande maison qui est en fait un ancien monastère. Elle y entre par un soupirail et … ». Ce récit, un peu « fou » comme le sont les rêves a représenté un excellent exercice d’écriture quand le superviseur de mon nouvel éditeur m’a confié tout de go : « Vous avez fait une magnifique horloge comtoise, j’aimerais que vous fassiez tenir tout le mécanisme dans un boîtier de montre ». Comment réduire un roman très « hitchcokien» de 300 pages en un récit de 160 pages d’une extrême intensité sans casser la mécanique et le suspense ? Le résultat s’appelle « L’important c’est la pomme » ( Ravet Anceau) .

 

Par la suite, je me suis penché sur Jack L’éventreur. Pour un ancien professeur de lettres et d’histoire, qui avait enseigné la synthèse de données complexes à L’Insee, c’était un sujet d’école, presque qui impliquait des données urbanistiques, économiques, politiques, médiatiques, criminologiques, sociales, psychologiques, esthétiques … Car ce qui est passionnant avec Jack l’Eventreur, c’est qu’on peut l’étudier depuis une multitude de points de vues . Depuis 50 ans, il sort chaque mois, dans le monde, 5 à 10 ouvrages sur Jack dans le monde, et c’est sans parler des films, des jeux video, des escape games … Pourtant, la plupart de ces textes ou films, explorent systématiquement les mêmes champs, déjà retournés mille fois. Tout le monde cherche des clefs sous le même réverbère allumé alors qu’elles ont été perdues dans l’ombre. Du coup, je me suis ingénié à explorer ce qui n’intéressait personne : les données sociologiques, le vécu des prostituées du Whitechapel de 1888, la question essentielle de la lumière, les modes opératoires, les motivations… En retournant aux sources, dans les dossiers d’autopsie, j’ai pu mettre en scène des reconstitutions certes délocalisées mais très fidèles aux crimes d’origine. Et là, bizarrement, des contraintes matérielles, comme celles d’éclairer un corps pour l’éventrer, la nuit, dans un coin reculé, m’ont apporté des éclairages très nouveaux. J’ai aussi découvert que dans le même quartier, à la même époque exactement, il n’y avait pas qu’un seul tueur en série de prostituées mais deux ! Bref, magré tout ce qui a été dit ou écrit sur Jack the ripper tout ou presque, aujourd’hui, reste encore à découvrir. Moi j’ai tiré de ce travail un roman double : Jacks (Ravet Anceau). Et, presque par hasard, je suis devenu l’un des trois spécialistes français de Jack l’éventreur ( sans doute le moins brillant des trois mais je me satisfais mieux de l’ombre que de la lumière éclatante) .

«  Vermeer est un marinier tranquille, sage, qui navigue sur les canux de Flandres, à bord de la Médée. Seulement voilà, bien qu’il ne soit ni pédophile ni un tueur, beaucoup d’enfants disparaissent dans son sillage. Beaucoup trop. » Si je devais résumer la Médée, c’est ainsi que je le ferais. Il y avait un moment que je souhaitais écrire un classique du roman noir, à la manière de Simenon, de Leblanc. Un roman qui se passerait dans l’univers de la batellerie. À la fois, tout près et très loin du monde d’à-terre. Mais, il me manquait quelque chose pour me jeter à l’eau. Un jour, mon amie Fabienne me fait écouter « la chanson de l’éclusier » de Brel et toute la soirée, le rythme à la fois lent et entraînant de cette chanson inconnue, me hante. Ce que Brel, un autre Flamand, venait de m’offrir, sans le savoir, c’était une cadence, une musique pour y poser mes mots. Et dans la Médée, ce qui compte, c’est moins l’histoire que cette mélopée qui progresse, qui se hâte lentement, au gré des canaux. Avec ce roman, je crois que mon ancien maître Kundera et Pauvert l’éditeur auraient sans doute un sourire satisfait. Car enfin j’ai été très heureux en écrivant. »