Ludovic Francioli a lu La Médée …
LA MEDEE – Benoît CHAVANEAU
« … Madame Lucienne remplit son cahier et la Médée s’ébranla.
La péniche franchirait plusieurs centaines d’écluses entre les Flandres et le Canal du Midi et, à chaque fois, de façon rituelle, l’homme cacherait l’enfant. Du moins sur le trajet aller.
Car, au retour, l’enfant ne serait plus là … »
Nous sommes dans les années 60.
De nombreuses disparitions d’enfants non élucidées ont lieu dans les Flandres mais aussi en Belgique et au Pays-Bas.
Deux corps sont découverts dans des sacs jetés dans un canal.
Maurice Morge, inspecteur austère et solitaire de la P.J. de Lille, débarque alors dans le petit village de Wailly afin d’y mener des investigations après une enquête malheureusement bâclée par les gendarmes.
Aidé par George Bellamy, un journaliste dandy et fantasque, va-t-il pouvoir retrouver l’assassin ?
Une enquête riche en rebondissements commence.
Nous baignons, ici, dans le monde des mariniers, sur les canaux du Nord, de l’Est de la France, de la Belgique et puis il y a Vermeer et la Médée !
Benoît Chavaneau est né à Roubaix en 1958 et d’emblée il s’imprègne de cette terre noire des Flandres, de ses carillons et de ses canaux brumeux. Très tôt, il conçoit l’écriture comme un ouvrage de dentelle entre silences et mots.
C’est en écoutant « La Chanson de l’éclusier» de Brel, chez une amie, que naît l’idée de « La Médée », une histoire de marinier, d’enfants perdus et de canaux brumeux.
« Dans ce roman, j’étais obsédé par le rythme, par le style, par cette ambiance flamande, mouillée de brume et de pluie froide. Un bon roman, c’est moins une histoire que la manière de la raconter, enfin je crois. »
La Médée est finaliste du Prix du Sablier d’Or du meilleur manuscrit.
Complexe de Médée: (Psychanalyse) Complexe se manifestant chez les femmes/les hommes qui cherchent à punir leur mari/épouse en s’en prenant à leurs enfants
L’appelation trouve ses origines dans le nom du personnage mythologique de Médée, qui selon une version répandue du mythe aurait tué ses enfants par vengeance envers son mari, Jason, qui l’a répudiée en faveur d’une autre femme.
Le sacrifice des enfants est au centre de ce roman, non seulement La Médée charrie son lot de cadavres à travers les canaux mais l’inspecteur Morge, austère personnage sacrifie lui aussi sa vie de famille et son rôle de père pour cette enquête.
La question se pause : la péniche se nourrit-elle des enfants, Vermeer le batelier est-il un ogre dévoreur d’enfants ?
Bien sûr l’atmosphère ambiante nous emmène directement du côté de Simenon, le cadre géographique, la grisaille, les personnages taiseux ou encore extravagant comme le journaliste Bellamy. Mais bien au- delà du roman policier, j’ai lu un roman frôlant le fantastique et flirtant avec Jean RAY, apologie du sacrifice et de l’inexorable conduisant à une rencontre « amoureuse » habitée de non-dits et d’acceptation d’une règle érigée comme un aveu de monstruosité, un lien indéfectible.
Superbe roman noir, magnifiquement écrit par un auteur qui sait plus que quiconque marier les mots et leur donner cette musicalité que l’on retrouve dans d’autres de ses romans.
Cet ouvrage est sélectionné pour le Prix Dora-Suarez 2022.